Review de Don Quichotte de Noureev

Les couleurs, la virtuosité, les pas en contretemps et la plus grande quantité dans les tempi et plus encore… le style Noureev

(Por Valeria N. Bula)

Eventails, guitares, toreros, taureaux, arènes, sont les éléments que le chorégraphe Rudolf Noureev utilise pour créer son Don Quichotte, et que dans l’original, celui de Marius Petipa, ces éléments étaient peut-être portés par un danseur ou une danseuse principale. mais ici c´est tout le corps de ballet qui le porte pour souligner et rendre la scène attrayante et avec plus de caractère. Ils dansent tous à l’unisson, amplifiant l’effet, la présence et la pression des personnages au fil de l’histoire. L’action des arènes et ce qui s’y passe semble traverser l’œuvre de Noureev, la lourdeur, l’angoisse, la démesure, la rencontre de deux corps, l’un d’un homme, l’autre d’un taureau, qui se jouent l’un de l’autre, surtout le taureau (qui ne sait pas ce qui s’y passe ou pourquoi c’est là) sa vie. Toutes ces sensations et émotions chargées sont présentes dans l’œuvre de Noureev, multipliant les éléments typiques, les rendant surréalistes comme un tableau de Dalí, et même caricaturales, comme dans une rêverie dont on ne sait pas si  t-on est consciente ou inconsciente. J’ai vu ce type d’effets dans la scène des parents utilisant de gros masques et des têtes dans leur Casse-Noisette par exemple, mais ici de manière plus subtile. De même, ici les hommes dansent davantage, ils s’impliquent davantage, ils se montrent, ils sautent, ils s’exhibent.

Le casting du 9 avril, jour où je suis allée voir cette pièce, était composé d’une pétillante Valentine Colasante, et virtuose et brillant, Paul Marque, Arthus Raveau dans le rôle d’Espada, la danseuse de la rue, Célia Druouy, Don Quichotte avec Yan Chailloux , venu en Argentine il y a quelques années pour danser La Belle au bois dormant de la forêt au Teatro de La Plata avec le ballet du même théâtre, avec à l’époque la Première Danseuse , Ludmila Pagliero. Sancho Panza était interprété par le drôle Baptiste Beniere, Cyril Chokroun dans le rôle de Gamache, Mathieu Contat dans le rôle de Lorenzo, le père de Kitri et le ballet de l’Opéra de Paris. Le chef d’orchestre, Gavriel Heine.

On sait qu’une des caractéristiques des ballets de Noureev est de donner plus de place et plus de chorégraphie aux hommes et c’est ainsi que se présente le premier acte de ce Don Quichotte, créé le 6 mars 1981 au Palais Garnier, qu’il avait préalablement chorégraphié cette œuvre pour l’Opéra de Vienne en 1966. Mais pour l’Opéra de Paris, il crée une nouvelle chorégraphie avec des décors et des costumes de Nicholas Georgiadis, inspirés de l’imagerie fantasmagorique des dessins de Gustave Doré. Pour Basilio, il utilise les tics, comme il les appelle, qui sont les batteries, les raccourcis, les demi ronds de jambes, par exemple. Celles-ci montrent son goût pour la complexité particulièrement visible dans sa dernière variation de l’acte 3 mais aussi dans le pas de deux. Les arrangements musicaux ont été réalisés avec John Lanchbery sur la base de la musique originale de Ludwig Minkus de 1869.

Il considère que « le danseur ne doit pas être l’esclave de la musique », Noureev n’hésite pas à se réapproprier la partition et à ralentir les tempi, à proposer une nouvelle interprétation d’une section ou d’un rythme musical, il l’imagine avec le plus grand nombre de pas possibles sans laisser de place au repos. Quelque chose de très caractéristique de Noureev : « le temps musical ne doit pas nécessairement aller dans le temps, ici il y a de l’espace pour en profiter et faire tel ou tel pas ». On sait qu’il a fixé les pas et les manières qu’il les aimerait exécuter en tant que danseur.

Don Quichotte est le premier ballet académique que Noureev a entièrement mis en scène pour l’Opéra de Paris à l’invitation de Rosella Hightower, alors directrice de la Danse. Une grande partie de son œuvre est basée sur la version de 1966, le prologue est différent de l’original, il révise la chorégraphie et présente une nouvelle mise en scène. Les variations de l’Amour et la Demoiselle d’honneur sont refaites. En effet, dans la première scène qui se déroule dans une auberge, on voit apparaître un frère franciscain un peu picaresque, qui n’est ni plus ni moins dans la version de Noureev, que Sancho Panza. Les femmes du premier acte sont moins protagonistes alors que les hommes ont plus de place.

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Paul Marque se démarque par ses superbes sauts et sa grande technique du début à la fin du travail. Et bien sûr, dans cette mise en scène, vous pouvez en profiter davantage car le scénario le dit, ici les hommes brillent et ont plus de danse et de pas. C’est un premier acte où les éventails se dévoilent, toute la compagnie les sort à l’unisson et ainsi ces ustensiles prennent beaucoup d’importance ainsi que les toreros qui vont au rythme des pas et des mouvements du taureau fidèles aux toreros de Séville. Ainsi, ici, vous pouvez très bien voir l’étude de Noureev sur les mouvements des arènes car il les utilise et vous pouvez voir le pas typique en relevé du torero sur le point de tuer l’animal, en l’occurrence le taureau, avec le couteau à la main en haut. De ce fait, les huit danseurs en toreros, chacun avec des couteaux en relevé cinquième, avec des vestes vertes intenses et la danseuse qui fait les grands sauts et passe entre eux comme si elle était le taureau à apprivoiser.

Et puis Don Quichotte vient avec Sancho Panza (le frère en marron) et joue de la trompette et ajoute une touche d’humour parce qu’il ne saurait pas si bien la jouer, c’est un peu désaccordé avec la permission de Sancho Panza. Il y a des pas qui sont restés intacts de l’œuvre originale, comme la chorégraphie des amis de Kitri, mais bientôt vers le milieu de la danse, les changements et les créations sont visibles.

Dans le deuxième acte, les guitares jouent un rôle plus important, presque toute la compagnie les utilise. Noureev conserve plusieurs séquences de l’acte 1 de variations féminines notamment la Reine des Dryadas et Kitri/Dulcinée de l’acte 2, le « suicide » de Basile et le Grand Pas de Gorki de l’acte 3. Rappelons cependant que si Noureev prend soin de préserver le patrimoine, il considère que rester fidèle à une œuvre est « plus une faute qu’une vertu ». Il ajoute ainsi deux nouveaux solos pour Basilio, un pas de deux au clair de lune dans l’acte 2 et un pas de trois et les deux amis dans l’acte 3.

En 1869, marqué par son séjour en Espagne au début des années 1840, Marius Petipa crée avec le compositeur Ludwig Minkus son Don Kиhot (Дон Кихот) au Théâtre Bolchoï de Moscou, puis une version renouvelée en 1871 au Théâtre Marinski de Saint-Pétersbourg.

Paul Marque dans le programme de main de Don Quichotte du 9 avril 2024, Opéra Bastille.

En 1900, le maître de ballet Alexandre Gorski refait l’œuvre de Petipa au Bolchoï, en 1902 au Marinski. Inspiré par la méthode de jeu de Stanislavski, il accorde un rôle privilégié à l’action des personnages du corps de ballet.

En 2002, Don Quichotte est créé à l’Opéra de Paris avec une nouvelle production avec des costumes d’Elena Rivkina inspirés des peintures de Francisco de Goya et des décors d’Alexandre Beliaev qui réconcilient les images de l’Espagne gothique et mauresque du XVIIIe siècle et celles des réalistes du 19ème siècle selon le programme de main du ballet Don Quichotte du 9 avril 2024.

Information importante parue dans le programme du 9 avril 2024 du Ballet Don Quichotte de l’Opéra de Paris :

-En 1605, publication du premier tome de Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantes et le second paru en 1615. Le roman est traduit dans toute l’Europe et inspirera plus de 50 opéras et une vingtaine de ballets. Une première traduction russe du roman fut publiée en 1769 sur la base de la version française. Don Quichotte, perçu comme l’antihéros populaire, devint une référence centrale pour les écrivains russes de Pouchkine à Gogol.

-De 1804 à 1814, les troupes napoléoniennes perdent dans la guerre contre l’Espagne. Peu de temps après, tout en perdant son empire colonial, l’Espagne devient une destination privilégiée des écrivains itinérants du romantisme, fascinés par ses paysages contrastés et ses coutumes locales.

-De 1838 à 1848, le Louvre ouvre une galerie espagnole où sont exposés plus de 400 tableaux. De nombreuses générations de peintres voient un air nouveau dans la peinture espagnole, leur permettant de s’émanciper de l’idéal académique fondé sur l’Antiquité et la Renaissance italienne.

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